L’écriture poétique par Emile MARTIN

Alors, poètes en herbe, apprenez à vous écouter pleinement. Faites comme le personnage du poème de Verlaine La guêpe, mettez le coude sur la table. Attendez. Laissez-vous impressionner totalement par ce qui vous touche, vous surprend, vous inquiète, et faites en sorte de transformer en langage ces impressions, langage spontané d’abord qu’il faudra sans doute organiser sans lui faire per­dre sa fraîcheur première.

Ce sera peut-être un ensemble de mots simples ; inutile de chercher les complications. Si un mot savant ou créé de toutes pièces vous semble conve­nir pour sa musicalité ou la rime, pourquoi pas ? Ce qui importe c’est que vous soyez le révélateur, le transmetteur de votre propre intériorité, pas de celle des autres.

Si vous n’avez pas de tableau à exposer comme le pein­tre, il vous appartient cependant de proposer votre trai­tement du réel, celui que vous avez intégré en vous. C’est cela qui nous intéresse. Vous devez être l’Unique, c’est-à-dire faire découvrir à vos lecteurs ce qu’ils n’ont sans doute jamais vu ou ce qu’ils croient avoir vu…ou entendu.

Je reconnais que ce n’est pas facile mais la valeur de votre œuvre est à ce prix. C’est parce que ce n’est pas facile que nombre de textes poétiques sont médiocres ou fades. En poésie, finalement, ne doit-on pas d’abord chercher tout simplement à donner du sens (et non un sens) à ce qui n’en a pas… sauf pour le poète ?

Ce ciel, à la chute du jour, que j’évoquais il y a un ins­tant, ne vous donnera-t-il pas l’occasion ou la fortune de dire et d’écrire : « Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche »*.

N’a-t-il pas fallu, pour en arriver là, que l’auteur de ce vers sublime s’en remette « au bruit de fond » ?

Émile Martin

*Dernier ver du poème Recueillement de Charles Baudelaire

 

Rêveries

J’aime ces clairs-obscurs que sont les rêveries
Où les yeux étonnés, grands ouverts sur le monde,
N’en voient que les contours, couleurs et harmonies
Et la réalité qu’il nous
offre à la ronde.

Je m’abandonne à lui, me refuse à penser.
Ne cherchant pas mes mots, moins encore à
comprendre,
Je me retrouve en ce qui ne fait que passer
Et laisse mon esprit et le temps se détendre.

Je suis l’oiseau traçant, au gré de ses envols,
Des figures planées aux contours improbables
Qu’accompagne le vent flûtant ré, mi, sol
Quel oiseau ? Je ne sais. C’est celui d’une fable.

Et je vais, balbutiant cet étonnant hasard
Simplement pour nommer l’apparence des choses
Composant un tableau à portée du regard.
Là, des fleurs ; mais ne sont ni des lys ni des roses.

Qu’il est doux de rêver d’un sommeil éveillé,
De se tenir tout près, pour enfin le connaître,
Le monde tel qu’il est, de tout sens dépouillé,
Et pour lui accorder la simple raison d’être.

Émile Martin

Ce contenu a été publié dans L'art d'écrire. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *