Poète et Poésie par Bernard APPEL

POÈTE ET POÉSIE

… quelques réflexions très subjectives

Je crois que le poète, tandis qu’il s’ignore encore, commence à écrire pour que ses lendemains ne soient plus un tourment labourant plexus et ventre, pour que les brumes, enfin, cessant de l’oppresser, aient la douceur d’un humble baiser sur ses tempes ; le poète n’écrit-il pas d’abord pour ne plus avoir mal…que des estafilades de la ronce sur les chemins libres de l’enfance ?

Le poète ne devient-il pas alors, petit à petit, une sentinelle, un « guetteur de lisières » – lieu privilégié pour contempler le monde – un funambule opiniâtre qui débusque les mots pour dire ce monde, funambule en équilibre toujours précaire, entre l’ombre et la lumière, spécialiste de l’ambivalence, sur les étroits et sinueux chemins qui, peut-être, mènent à la tendresse, planète douce, pacifiée et mélancolique pourtant, où l’ombre finit parfois par faire un peu de place à la lumière.

Le poète alors ne peut plus se contenter d’être technicien ou comptable. Il conquiert sa liberté. Il n’est d’aucune école, d’aucune chapelle. Il se laisse traverser par tous les courants, toutes les influences, sans en adorer ou répudier aucune. Son « style » poétique, si tant est que l’on puisse en parler ainsi, se forge au jour le jour et les seules contraintes qu’il se donne sont celles que lui suggère son oreille intérieure, celles que lui  impose son exigence de sens, de lisibilité, d’authenticité et d’harmonie. Et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette liberté conquise et assumée ne ressemble en rien à de la facilité car elle ne suit aucun chemin balisé.

Gagnant sans cesse en liberté, le poète peut alors se mettre à aimer la musique des mots, à en jouer, à en apprécier la chair tout autant que le sens ou la couleur. Le poète aime la poésie dite, la poésie orale et vivante qui sort de la poussière des bibliothèques et oublie d’être monocorde et monotone.

La poésie devient alors tour à tour cri, plainte ou murmure, action de grâce, signal d’alarme, battement de cœur ou de cils, recherche d’éternité dans la fugacité de chaque instant, expression charnelle et sensuelle, souffle, halètement, Vie…aux lisières du monde en recherche de sens où le poète, encore et toujours…funambule.

Bernard APPEL

Ce contenu a été publié dans L'art d'écrire. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Poète et Poésie par Bernard APPEL

  1. Bibaut Jonathan dit :

    Merci Bernard pour ce beau regard que tu portes sur les territoires mais aussi les possibles horizons, qu’offre à son auteur, la Poésie. Et, je me fais l’écho de l’une des idées de ton propos, quand tu soulignes que l’authentique poème ne peut certainement pas se résumer à une démonstration de sa technique, pas plus qu’à une mathématique savante de démonstration…

    Je partage là ton opinion, car je reste convaincu qu’une poésie maladroite mais sincère, et bien mieux ! que celle “d’ornement” s’approche de l’essence fabuleuse de cet art.

    Des rimes (trop) savamment orchestrées, un vocabulaire emprunté, empêchent parfois aux lecteurs de ressentir vraiment l’émotion essentielle que le vers contient..

    Poésie, entre le mot juste et l’expression du sentiment.. Juste là ! Entre les lignes ! Point trop n’en dire mais assez ! Que depuis ce que l’on devine, l’on ait le libre espace de tout imaginer !

  2. Bibaut Jonathan dit :

    Ou seulement : par l’alchimie de mots inviter la substance..

Répondre à Bibaut Jonathan Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *