Voici le portrait d’une magnifique femme artiste qui connut un destin hors normes où elle fut tour à tour aimée, délaissée, entourée et solitaire. Marie Laurencin était une peintre figurative, portraitiste et illustratrice ; elle était également épistolière et poétesse. Marie Laurencin publie en 1942 un recueil de poèmes intitulé Le Carnet de nuit, souvenirs de jeunesse et de ses débuts de carrière.
Née le 31 octobre 1883 à Paris dans un milieu modeste, elle décédera également à Paris le 8 juin 1956.
Son enfance un peu austère ne la prédestinait pas à une vie d’artiste et pourtant elle a côtoyé de plus ou moins près, selon les époques de sa vie, le tout Paris artistique : c’est ainsi qu’elle a croisé ou fréquenté Picasso, Braque, Max Jacob, Fernand Léger, Matisse, Cocteau, Jouhandeau, le Douanier Rousseau, Coco Chanel, etc.
Elle séduisait autant les hommes que les femmes. Son premier grand amour fut Guillaume Apollinaire qu’elle rencontra en 1907; leur histoire ne dura que 5 ans mais, bien que traversée par de nombreux orages, elle fut d’une rare intensité et l’on peut dire qu’elle a marqué durablement Marie Laurencin même si, dans son âge mûr, elle trouva douceur et complicité parfaite plutôt dans la compagnie des femmes. Elle fut en particulier la compagne de Nicole Groult sur la fin de sa vie.
Adulée par le public au tout début du 20e siècle, à la suite du salon des indépendants de 1907 où elle fut exposée pour la première fois, elle tombe ensuite petit à petit dans un oubli relatif et, jusqu’à aujourd’hui, peu d’expositions lui seront consacrées en France ; les livres la concernant sont d’ailleurs rares. Paradoxalement, elle est plus connue dans certains pays étrangers, comme le Japon où un important musée lui est principalement dédié.
En France, il faudra attendre le printemps 2013 pour qu’enfin une exposition parisienne lui soit entièrement consacrée et la fasse redécouvrir au grand public qui, en grande majorité, ne la connaissait absolument pas !
C’est lors de cette exposition que j’ai pu apprécier, en direct si j’ose dire, la peinture de Marie Laurencin d’où émane poésie et charme fou. Son univers est merveilleux et semble tout droit sorti de l’enfance et des contes. Dans ses tableaux on rencontre nombre de femmes toujours un peu évanescentes, aux visages diaphanes avec de grands yeux noirs, mais étrangement dépourvus de nez. On y croise aussi parfois d’élégantes biches ainsi que d’autres animaux inattendus, le tout dans une atmosphère souvent aigre-douce et acidulée malgré l’utilisation de teintes tendres et pastel, jamais violentes. La peinture de Marie Laurencin est la traduction un peu décalée de la réalité de son époque, de son art de vivre au temps des années folles puis de l’art déco.
Comme la plupart des femmes artistes du début du 20e siècle, comme ses compagnes dans l’oubli relatif que furent Berthe Morizot, Suzanne Valadon ou encore Sonia Delaunay, Marie Laurencin n’a donc pas, en son temps, mais surtout plus tard, bénéficié de toute la notoriété qu’auraient méritée son immense talent, son originalité et sa créativité. On lui attribue en effet entre 1800 et 2000 tableaux ainsi que plus de 1400 aquarelles.
Je vous engage à faire plus amplement sa connaissance en lisant la biographie bien documentée de Bertrand Meyer Stabley (publiée chez Pygmalion en 2011). Vous y découvrirez comme moi, au-delà de son immense talent de peintre, une femme attachante à la vie contrastée mais riche et infiniment féconde.
La vie de Marie Laurencin vous donnera certainement envie d’admirer sa peinture. Pour cela, il faudra vous rendre au Musée de l’Orangerie à Paris où sont exposées dans une salle particulière, quelques-unes de ses trop rares toiles demeurées en France.
Maïté Petit
www.musee-orangerie.fr/fr/artiste/marie-laurencin