NIKI DE SAINT PHALLE
“L’art a été mon ami le plus proche. Sans lui, il y a longtemps que je serais morte, la tête éclatée”.
Niki de Saint-Phalle, artiste polyvalente, peintre, plasticienne, architecte, écrivaine, a écrit cette phrase dans son livre “Traces”, en 1999, quelques années avant sa mort. Phrase surprenante car, pour le commun des mortels, le nom de Niki de Saint-Phalle évoque, de prime abord, de rondes et joyeuses “nanas”, imposantes et colorées et de nombreuses créations de toutes sortes, rutilantes et bariolées, apparemment bien éloignées d’une quelconque tristesse mélancolique.
Et pourtant la vie de Niki de Saint-Phalle oscille sans cesse entre traumatismes violents et farouche énergie de vivre, dépressions sévères er euphorie créatrice, révoltes et provocations. Et c’est en effet l’art, comme exutoire, qui va lui permettre de surmonter les souffrances, de se libérer des angoisses et finalement, petit à petit, de se trouver…
C’est, comme pour beaucoup d’autres artistes, dans l’enfance qu’il faut rechercher les causes du mal-être latent qu’elle combattra toute sa vie.
Niki de Saint-Phalle est née le 29 octobre 1930 dans une famille de haute bourgeoisie, ruinée; ses repères sont très vite bousculés puisqu’elle est séparée de ses parents qui la confient à ses grands-parents entre l’âge de deux et trois ans .Elle retrouve ensuite toute sa famille qui a émigré aux Etats-Unis. Là elle connait “l’enfer” comme elle l’écrira elle-même, du fait de la mésentente souvent violente de ses parents instables, de l’hypocrisie d’une éducation puritaine et du carcan des institutions religieuses dont elle se fait régulièrement exclure pour indiscipline… Et, à l’été 1942, son père abuse d’elle…
Très lourd handicap que Niki de Saint-Phalle va devoir surmonter progressivement en le transformant en une farouche énergie créatrice, ce qui n’ira pas sans difficultés. A 18 ans, elle s’échappe du cadre familial, devient mannequin, puis se marie l’année suivante avec un américain, Harry Matheus avec qui elle partage l’amour de la musique et de la littérature. Elle veut ensuite devenir actrice et suit un moment des cours de théâtre…
Hélas, en 1953, elle est hospitalisée pour une grave dépression dont elle parviendra à se sortir par l’expression picturale.
Sa voie est trouvée. Elle expose pour la première fois en 1956. Elle est alors influencée par des artistes aussi divers que Gaudi, Dubuffet, Marcel Duchamp, Pollock, Kooning, le facteur Cheval puis Chagall, Miro, Magritte, Matisse…
C’est cette année-là qu’elle rencontre Jean Tinguely, l’un des chefs de file du mouvement des Nouveaux Réalistes, qui deviendra son nouveau compagnon quelques années plus tard. Rencontre déterminante puisque c’est Jean Tinguely qui l’ encouragera très fortement et la convaincra d’ épouser une vraie carrière d’artiste.
Et, dès 1961, elle fait la une de tous les journaux et attire les galiéristes. Ce rapide succès la lance définitivement et la célébrité ne la quittera plus jusqu’à sa mort en 2002.
La production artistique de Niki de Saint-Phalle est si abondante et multiforme qu’il est impossible ici d’en faire une description et une analyse exhaustives. Notons toutefois qu’au cours de sa longue vie créatrice, elle a réalisé, entre autres, des tableaux intégrant matériaux et objets de récupération, des “tableaux-autels” qui souvent malmènent la religion, des “tableaux-cibles” où le public est invité à tirer à l’aide de fléchettes ou d’une carabine sur des poches de peinture qui une fois libérée s’écoule sur la toile mais aussi des oeuvres plastiques ( par exemple les ” Mariées” ou les fameuses “Nanas”, fortes à tous les sens du terme, gaies, enceintes et dansantes), et architecturales ( la” Fontaine Stravinsky” devant Beaubourg à Paris, le “Jardin des Tarots” en Toscane, ” le monstre du Loch Ness” à Nice etc…). Elle produit aussi, durant toute sa vie, des dessins, des écrits instantanés, des bribes de rêves, de courtes pensées, des fragments de dialogue, tout cela parfois assez proche du surréalisme.
3500 oeuvres environ sont ainsi répertoriées attestant bien que Niki de Saint Phalle a totalement confondu sa vie personnelle et sa vie artistique pour mettre au jour, sous des apparences rieuses, délirantes et gaies, un univers très expressif, provocant, contestataire, dérangeant et souvent tragique. La superbe exposition récemment organisée à Paris en 2014 permettait de prendre pleinement conscience de la richesse, de la diversité et du foisonnement de cette oeuvre. Je conseille de ne pas manquer la prochaine qui se présentera…
L’art de Niki de Saint-Phalle est toujours un art engagé, contre le racisme et l’apartheid, pour la lutte contre le sida et les discriminations qui en résultent, pour le féminisme surtout et contre tous les préjugés qui emprisonnent les êtres humains, particulièrement les femmes.
Ayant beaucoup utilisé le polyester, la résine, les colles, solvants et autres produits toxiques pour réaliser ses oeuvres, Niki de Saint-Phalle voit petit à petit sa santé se dégrader: de plus en plus elle souffre d’asthme et de polyarthrite rhumatoïde, aux mains surtout, ces mains, partie si importante d’elle-même, auxquelles elle consacrera d’ailleurs une série de sculptures comme pour exorciser la déformation progressive et irréversible que la maladie leur impose.
Niki de Saint-Phalle, sans jamais avoir cessé de créer mais de plus en plus malade et fatiguée, meurt le 21 mai 2002 sans avoir pu participer à l’inauguration du musée de Nagu, au Japon, qui venait d’ouvrir ses portes pour lui rendre hommage.
Maïté PETIT
Bonsoir et merci d’avoir rédigé ce riche et bel article sur une merveilleuse artiste.
Toute ma sympathie et ma gratitude, je souhaite longue vie à cette association.
LG