Jeudi, 28 Novembre 2019, l’antenne APAC de Villers-lès-Nancy a reçu Nicolas MATHIEU, prix Goncourt 2018…
Le dernier ouvrage paru en septembre 2019 « Rose Royal » aux éditions in8 dans la collection Polaroid est également évoqué.
La rencontre a lieu dans les salons de Madame de Graffigny, toujours aussi propices à l’atmosphère des entretiens qui s’y déroulent. Cette fois, ils sont tellement bondés qu’on ouvre les portes des salles adjacentes et qu’une partie du public est debout !…
La séance commence par une prise de parole de Monsieur François Werner, Maire de Villers-Lès-Nancy, qui fait part de son enthousiasme à introduire cette séance consacrée à Nicolas Mathieu .
Nicole BARDIN-LAPORTE relate brièvement la biographie de l’auteur, né à Epinal le 2 juin 1978. Fils unique, il vécut à Golbey entre un père électromécanicien et une mère comptable.
Bac littéraire, licence d’Histoire, maîtrise de cinéma, licence d’Histoire de l’Art à la Sorbonne puis séjour à Bristol pour apprendre l’Anglais.
De retour à Paris, Nicolas MATHIEU exerce différents métiers : scénariste, stagiaire dans l’audio-visuel, professeur à domicile, contractuel à la Mairie de Paris, rédacteur dans une société de reporting. Entre 2005 et 2008 il est greffier de réunions de comités d’entreprises dans des contextes difficiles, liquidations, plans sociaux.
L’auteur est aussi le père d’un petit Oscar.
La bibliographie pour être restreinte, n’en est pas moins célèbre. Le premier roman « Aux Animaux la Guerre » (collection Actes Noirs) cumule le prix Erckmann Chatrian, le prix Transfuge du meilleur espoir Polar et le prix Mystère de la Critique. Il donne lieu à une adaptation – à laquelle l’auteur participe – pour une série télévisée diffusée sur France3 en novembre 2018.
Le 2ème roman « Leurs Enfants après Eux » est récompensé par le prix Blù Jean Marc Roberts, la Feuille d’Or de Nancy, le prix des médias France Bleu France3 l’Est Républicain, le prix du 2ème roman Alain Spiess -le Central et le prix Goncourt.
Après avoir écouté un extrait de la musique de Nirvana « Smells like teen spirit » qui ouvre la 1ère période, Simone, Philippe, Bernard et Ginette lisent des citations d’auteurs qui illustrent les thèmes importants de l’ouvrage : l’adolescence, le premier amour, le travail ou son absence.
Nicole lit le 1er paragraphe qui lance le roman et pose le sujet. Anthony, personnage principal, adolescent pauvre dans toute sa splendeur est aussi un sensible. Le lac joue un rôle important dans l’histoire, la chaleur caniculaire est présente ici comme dans chaque chapitre.
La structure du roman est mise en avant de façon évidente. En effet l’action se déroule sur quatre étés : 1992/1994/1996/1998 et quatre chansons – Smells like teen spirit, You could be mine, La Fièvre et I will survive – quatre chansons de groupes telles que Nirvana ou Guns N’Roses qui sont en « accord parfait » avec le contenu du chapitre. On pourrait croire à un roman d’apprentissage qui introduirait au fil de ces six années une fresque où avanceraient et se construiraient des adolescents.
Mais les « variations » des quatre étés tournent plutôt autour de l’impossibilité pour les jeunes de prendre leur essor.
En effet, comment vivre et évoluer dans le contexte évoqué ?
Le lecteur suit entre 1992 et 1998 des personnages, vivant dans une vallée sinistrée de Lorraine, là où les aciéries se sont tues, les hauts fourneaux se sont refroidis. Ces personnages sont confrontés aux conséquences sociales de la désindustrialisation. Les adultes résignés s’accommodent de façon chaotique à leur nouvelle vie, mais les adolescents, tout en s’habituant à la fumette et à la bière rêvent de « foutre le camp ». Hélas leurs ambitions elles aussi « foutent le camp ». Anthony, les ailes brisées, se résigne. Le cousin, Hacine, Simon aussi. Pareils à leurs parents qu’ils voulaient dépasser, ils connaissent eux aussi la malédiction de l’échec. Ils ne sont pas nés dans un terreau fertile. Pas de salut pour eux, sinon l’illusoire trafic de drogue ou la vie militaire. Quant à l’amour !… Anthony est fou de Steph mais celle-ci ne peut s’affranchir du conditionnement social et culturel qui est le sien. Stéphanie et Clémence d’ailleurs ont compris que l’école était un moyen de partir loin d’Heillange. Il est vrai que leurs parents sont des notables aisés.
Ainsi bien plus qu’un roman d’apprentissage, ce roman est un roman politique et social comme le revendique l’auteur. Il rejoint les œuvres qui dénoncent l’injustice sociale avec fougue mais sans donner de leçons, sans être compassionnel. Il ne fait pas partie de la littérature engagée. C’est un ouvrage qui exclut les catégories de bons et de méchants. C’est la France des classes moyennes/pauvres, c’est la France de l’entre-deux, entre ville et campagne, entre minimas sociaux et rêves de consommer, « de construire ». Les moyens de dénoncer ici sont des moyens de romancier. On est dans un vrai roman au langage percutant qui mime la violence des protagonistes et à la langue magnifique, poétique qui transcende parfois réalité et sentiments. Le passage lu par Bernard en est témoin.
Les héros ont l’épaisseur de personnages vraiment romanesques et qui portent le poids de l’injustice sociale de ceux qui sont conditionnés par leur naissance. Les « mal-nés » sont représentatifs d’une dénonciation sociale obstinée de Nicolas Mathieu.
Faut-il voir ici le sens du titre « Leurs Enfants après eux » qui cite un extrait du Siracide dans l’Ancien Testament ?
Quelle œuvre magnifique qui renouvelle avec force et qualité le roman social !
Nicole BARDIN-LAPORTE évoque alors, sans en déflorer le contenu la nouvelle intitulée « Rose Royal » et Nicolas MATHIEU la présente succinctement. Un échange riche s’établit ensuite entre l’auteur et l’assistance et clôt la séance.
Après avoir remercié chaleureusement l’auteur et l’assistance, Nicole rappelle qu’il est possible de faire dédicacer les œuvres. G. TANZI