La rentrée littéraire de l’APAC se fait par une rencontre avec Raphaël Pitti, auteur de « Va où l’Humanité te porte. Un Médecin dans la Guerre » paru en mars 2018 aux éditions Tallandier. Le public très nombreux (les chaises manquaient …!) se retrouve avec bonheur dans le salon habituel du château de Madame de Graffigny à Villers les Nancy, salon si propice à l’attention et à l’échange.
Le livre étant une œuvre autobiographique, le parcours de l’auteur n’est retracé qu’à grands traits par Nicole-Bardin Laporte. De famille italienne qui a fui l’Italie fasciste et s’est installée à Oran, Raphaël Pitti naît dans cette ville le 29 janvier 1950. En 1962 la famille se réfugie à Marseille et l’auteur est amené à vivre à Paris chez sa sœur et son beau-frère. En décembre il repart à Oran avec ses parents. Pour sa plus grande joie il retrouve ce qui a construit son enfance.
Élève brillant, il décide d’être médecin et en 1969, il entame des études de médecine à la faculté de Nice. En 1978 il intègre les commandos marine. Médecin anesthésiste-réanimateur, Raphaël Pitti multiplie les missions humanitaires dans les pays en guerre : Tchad, Balkans… Guerre du Golfe. Puis, le médecin militaire qu’il est, rejoint l’hôpital Legouest à Metz. En 1996 il obtient la première agrégation en médecine d’urgence et de catastrophe et devient expert auprès de l’OTAN.
-
2007 : création d’un service de réanimation à la polyclinique de Gentilly à Nancy. À partir de 2012 Raphaël commence une série de nombreuses missions médicales d’urgence en Syrie. En 2014 il est élu Conseiller Municipal de Metz délégué à l’urgence sociale, humanitaire et sanitaire.
-
2018 : parution de « Va où l’Humanité te porte. Un médecin dans la guerre »
Dans une autobiographie nous sommes tous, auteur et lecteurs, concernés. L’auteur s’engage à se montrer tel qu’il est « dans un esprit de vérité » et attend de son auteur un jugement loyal et équitable. Un pacte s’établit. Alors Nicole propose à l’auteur de nous confier les motivations de ce choix d’écriture.
Raphaël Pitti en mission, prend conscience de l’immense détresse de la Syrie, de sa population et également de ses soignants. En novembre/décembre 2016, plusieurs éditeurs le sollicitent pour un témoignage de son vécu là-bas. Pour lui, une question fondamentale se pose : « pourquoi es-tu en Syrie ? ».Quels sont les événements de la vie, les éléments qui l’ont conduit là ? La recherche autobiographique s’impose comme une évidence.
L’auteur est amené à lire le premier paragraphe de son livre. Une anecdote pourtant fondamentale. Sur France Culture ce jour de septembre 2012 un médecin urgentiste franco-syrien, Ahmed Bananeh, fondateur avec d’autres de l’UOSSM – Organisation des secours et soins médicaux, appelle à l’aide –. C’est un appel au secours vibrant, son peuple meurt sous les bombardements et l’on bombarde hôpitaux et soignants. « Et là [relate l’auteur] une étrange alchimie se fait en moi, comme si mon passé se conjuguait à un devoir d’homme, à un principe d’appartenance au monde […] j’éprouve le besoin irrépressible de […] leur venir en aide.»
Des thèmes fondamentaux se dégagent de cette autobiographie.
La foi dans le sens de la vie. À la question « pourquoi je suis là, dans ce train qui roule vers où ? », l’auteur répond qu’il suffit de se retourner, et en se retournant, voir le sens, le bien fondé de ses choix de vie. Nous sommes uniques, nous construisons une vie de sens. La foi pour l’auteur est cette rencontre profonde avec soi-même : l’Amour.
Le goût du risque, de l’action jouent aussi un grand rôle : à Oran à 15 ans, la décision d’être médecin était prise. À Toulon la décision d’être médecin militaire, de réussir ce concours et de renoncer à la néphrologie s’impose. Puis vient le choix des commandos marine. Ils sont extrêmement durs, mènent à bout l’endurance, les combats physiques violents mais permettent à l’esprit de trouver son calme dans un corps dominé. Esprit et corps ne font plus qu’un, ce qui est nécessaire lorsque les missions conduisent le médecin dans des lieux terribles, fracassés : Tchad, Djibouti, Irak, ex-Yougoslavie. L’auteur n’oublie jamais qu’il est au service de la vie, de la santé et qu’ « Il est fait pour être humanitaire » comme le lui dit sœur Marthe. La violence des commandos est à calmer. Un autre thème fondateur est la foi, « la foi du haricot sec » comme la caractérise Raphaël Pitti, puisque le haricot sec germe toujours dans un peu d’eau. La foi de Raphaël Pitti résiste à tout, se fortifie rapidement en dépit des horreurs qu’elle côtoie et se nourrit de sa vie intérieure, de son goût de la lecture. La foi anime et guide l’action. Aider, soigner mais aussi transmettre, enseigner. C’est un souci constant de l’auteur. Aussi forme-t-il le personnel soignant en lui transmettant les techniques, en lui insufflant son humanité et le désir d’apprendre à apprendre. Il crée des vocations. L’auteur est ainsi un bâtisseur.
Actuellement la Syrie en guerre occupe toute l’attention et le désir d’être utile du médecin, d’exprimer la souffrance sans fond de ce peuple et de ses soignants. Témoigner mais agir, faire bouger les choses en avertissant les européens et les gouvernants.
Nicole Bardin-Laporte pose une dernière question à l’auteur, concernant sa vie personnelle, l’attitude de ses 5 enfants face à la vie de leur père, ses absences, sa mise en danger perpétuelle. Raphaël Pitti répond qu’il a des relations apaisées avec ses enfants, que sa vie est une leçon pour eux. En effet une vie n’est pleine que si elle est tournée vers les autres et qu’elle permet de faire fructifier les talents qu’on a reçus. Et puis, plus que la présence physique, sont importantes les valeurs que l’on transmet.
Le public est alors invité à échanger avec l’auteur puis Monsieur Pierre Baumann, Conseiller Départemental, prend la parole et remercie chaleureusement l’auteur pour le combat qu’il mène.
La séance se termine dans un silence lourd d’émotion : il est toujours émouvant et fécond de côtoyer l’humanité vraie et profonde d’un être qui ne trahit jamais ses valeurs et redonne du sens à l’humain. Une participante affirme en apparté « nous ne sortons pas tels que nous sommes entrés ». On ne peut rien dire de plus ; c’est vrai, nous sommes tous plus riches. Merci Monsieur Raphaël Pitti de nous avoir fait partager ce moment d’humanité profonde. Ginette TANZI