L’ antenne APAC de Villers-lès-nancy a reçu, le vendredi 26 avril, dans les salons du Château de Madame de GRAFFIGNY, et en présence d’un public nombreux, Madame Lilyane BEAUQUEL, pour un entretien autour de son dernier roman L’Année des Nuages (éditions Gallimard).
Nicole BARDIN-LAPORTE a d’abord évoqué la biographie et l’œuvre de l’auteur: née à Nancy, elle est professeur Agrégée de Lettres avec une spécialisation « audiovisuel » cinéma et photographie qui lui a donné le goût de mener des créations au collège et au lycée avec des artistes .
De 2000 à 2012 elle a assuré la programmation de la galerie IUFM de Lorraine et privilégié l’art contemporain en présentant des œuvres d’artistes d’avant-garde nancéiens et lorrains en priorité.
L’Année des Nuages est le 4ème livre de Lilyane BEAUQUEL.
Les éditions Gallimard (collection Blanche) ont publié en 2011 Avant le Silence des Forêts, puis en 2014 En remontant vers le Nord et en 2016 L’Apaisement.
Sous le nom de Lilyane MOUREY, l’auteure a publié une Introduction aux Contes de Grimm et Perrault (Éditions Minard).
L’auteure s’est exprimée tout d’abord sur son parcours d’écrivain, à savoir comment et pourquoi a-t-elle été amenée à écrire un premier roman en 2011.
C’est en visitant le cimetière allemand de Thiaucourt, et en déchiffrant l’humble épitaphe d’une tombe, que la décision d’écrire sur la guerre de 14/18 s’impose à elle. Avec exaltation elle a le sentiment qu’en écrivant à sa façon cette tranche d’histoire souvent évoquée, elle fera surgir son propre passé. Elle doit le faire et son œuvre sera reconnue. Lilyane BEAUQUEL a cette évidence intérieure .
Puis l’écriture romanesque se poursuit et l’auteure garde du premier roman l’idée que son écriture est l’écriture d’une émotion.
Le deuxième roman se passe en Norvège. Le troisième, deux ans plus tard, à la suite du tsunami, impose une immersion dans le Japon. Tous sont des romans sur le destin.
L’inspiration de ce quatrième roman, roman d’un destin lui aussi, se nourrit de la réalité sociale contemporaine, du drame des migrants – en particulier des Syriens –, à Calais et ici même à Nancy. Cette réalité sociale, la romancière l’a côtoyée en donnant aux migrants des leçons de Français. Elle a vu le désarroi de notre société face à des jeunes gens généralement doux, polis, souvent cultivés. Des gens veulent les aider, d’autres affirment « les migrants je suis contre » ou « ils n’avaient qu’à résister ». Désarroi aussi de ces jeunes gens qui ont fui une situation inextricable. Comment résister dans une dictature ?
Ce roman ne se veut pas une leçon, il n’est pas manichéen. Adam, le héros, vient dans un pays qui lui semble désirable, il veut un métier, une maison, mais l’absence de son pays est aliénante. Tous les personnages, même les Français, sont un peu perdus.
La présentatrice interroge ensuite la romancière sur le style de l’ouvrage, style qu’elle a trouvé « résolument moderne ». Modernité due peut-être au présent de narration, récit à la troisième personne, ponctuation restreinte. Cependant elle reconnaît qu’il existe « des styles » dus à « des variations selon les passages ». En effet des passages sont poétiques, d’autres réalistes lors des évocations de la guerre en Syrie. Nicole Bardin-Laporte pose la question de la difficulté de ces variations dans l’écriture.
L’auteure répond en évoquant sa facilité pour l’écriture poétique et son effort pour arriver à la concision. Elle prétend que « tant que l’on n’écrit pas, on ne sait pas quelle voix on a » et dit « je ne sais pas trop comment je fais ». A la recherche d’un style se substitue l’observation d’une réalité. L’écriture parle beaucoup du corps.
Les lieux restent simplement évoqués, Montpellier par l’esplanade du Peyrou. Mais aucune localisation en Syrie. Ils servent d’arrière plan aux personnages et créent un contraste important entre nation en paix et pays en guerre.
Nicole mentionne les personnages principaux « Adam et Cloé en apparence un couple, Jad et Nora au loin mais si présente ».
« Adam, quasiment le personnage principal, jeune Franco-Syrien venu en France faire ses études de médecine et fuir la guerre….Il est à la lisière de deux cultures et son pays lui manque comme lui manque Nora, son amour de jeunesse restée au pays. Il rêve de lui trouver une maison ».
Le thème de la maison est le fil rouge du roman. La maison traduit pour l’auteure le besoin viscéral d’exister. Pour des Syriens la maison est un projet de vie, un ancrage.
D’autres thèmes primordiaux tels que la vie, la mort, l’amour, leurs relations dominent ici, mais des thèmes bien présents s’imposent aussi : l’incompréhension des mondes de culture différente, le mélange des classes et des réalités, causes de conflits.
Le roman est sombre mais une lueur d’espoir résiste grâce au mot « supercalifragilistic expialidocious » extrait de « Mary Poppins », mot qui, dans la chanson du film, porte chance et permet de se sortir d’une situation difficile.
La séance s’est terminée avec l’intervention du public suivie par une séance de dédicaces.