Ainsi écrivait Jean-Pierre Varache
L’expression « Littérature engagée » est née à la fin de la seconde guerre mondiale avec l’avènement de l’existentialisme : Sartre, Camus, Vercors, Aragon et bien d’autres furent, certes, des écrivains engagés parce qu’ils relataient des faits qu’ils venaient de vivre et les transposaient en s’y impliquant moralement, philosophiquement et politiquement.
Est-ce à dire qu’ils furent des précurseurs ? Nullement !
De tout temps, romanciers, poètes, dramaturges ont traité les grands sujets sociaux, religieux, philosophiques ou politiques qui défrayaient les chroniques ou alimentaient les conversations. Qui oserait proclamer que Platon, Sénèque, Montaigne, La Bruyère et Zola ne furent pas des écrivains engagés ?
Qu’il s’agisse de flatter (à l’ère des despotes éclairés qui pratiquaient le mécénat) ou de vilipender, tous les grands auteurs se sont investis de la même mission : peindre les mœurs de la société dans laquelle ils évoluaient, et laisser ainsi un témoignage aux futures générations. Ils furent témoins d’une époque : la leur…
Ont-ils été objectifs ? Ceci est un autre débat…
Mais, toute vérité n’étant pas bonne à dire, la plupart de ces grands témoins furent souvent en butte aux persécutions de toutes sortes : Sénèque dut se suicider, Villon échappa maintes fois à la potence en s’en tirant par des pirouettes pour implorer sa grâce en flattant les grands (Épitre à Marie d’Orléans, Requeste à Monseigneur de Bourbon), Voltaire fut embastillé, Hugo dut s’exiler, et la mort de Zola reste encore une énigme…
Autour des années cinquante, quelques romanciers se sont violemment élevés contre la Littérature engagée, tout simplement parce que leurs idéaux politiques ou philosophiques les opposaient aux « Existentialistes »…mais, dans l’esprit de ce refus, n’y avait-il pas là un engagement ?
Le vrai talent d’un écrivain ne réside pas tant dans la façon dont il assemble les mots que dans ce qu’il leur fait dire.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » écrivait Boileau.
Cette clarté même, qui met les idées à portée de tous, risque alors de devenir dangereuse pour leur auteur ; mais doit-on lorsque l’on est écrivain se cantonner dans la platitude de sujets « bateaux » ? Je veux bien que l’on traite de belle façon l’amour, des rigueurs de l’hiver ou du renouveau printanier, mais ne serait-il pas judicieux de profiter de l’écriture pour aborder les thèmes liés à notre civilisation : le sida, le quart-monde, la pollution, et tenter de proposer des solutions ?
L’Écrivain se doit d’être le promoteur d’une évolution vers le progrès, et comme l’écrivait André Gide, « le poète ne peut être qu’un professeur d’espoir ».
C’est dans cette optique que quiconque veut écrire doit être un témoin attentif et actif des événements qui marquent son époque et tenter d’en extraire, ainsi que le disait Rabelais « la substantifique moelle »
Éditorial du Plume au Vent n° 04 / mars 1994
A une époque où l’audiovisuel n’existait pas, c’est effectivement par l’écrit et par la peinture (ne l’oublions pas !) que nous savons du passé tout ce que nous savons.